Mosaïque de la Nécropole de Tipaza. Inscription en latin « In deo pax et concordia sit convivio nostro »
Traduction: « En Dieu, la paix et l’harmonie à notre banquet »
(1903-1996) Archevêque d’Alger de 1954 à 1988.
Grâce à lui le monastère de Tibhirine traversera les moments de crise menaçant son existence: à l’indépendance, décision par les supérieurs de fermer le monastère; et 1975, menace d’expulsion des moines.
« Après l’indépendance, l’Église, comme il se doit, a choisi de ne pas être étrangère, mais d’être Algérienne. Elle doit être ouverte à la population et aux réalités du pays.
Un évêque qui ne se sentirait pas devant Dieu responsable de toute la population de son diocèse, ne serait pas un évêque catholique.
La mission de l’Église a pour but l’amour, car elle tend à rassembler les hommes. »
« Tout mon apostolat en Algérie, je peux le résumer en un mot : amitié. Je crois en la force de l’amitié.
La chance de l’Église c’est l’amitié. C’est par l’amour fraternel que l’on atteint à l’universalité. »
La présence de communautés chrétiennes en Algérie est attestée dès le IIème siècle, à travers notamment Tertullien. Mais la grande figure de cette Église est surtout Saint Augustin (IVe siècle). La présence chrétienne va pour ainsi dire disparaître entre le VIIème et le XIIème siècle. C’est par le truchement de la présence de chrétiens étrangers, principalement des marchands, que le christianisme refait surface en terre algérienne.
Depuis 1838, date de nomination de Monseigneur DUPUCH, premier évêque d’Algérie, l’Église d’Algérie a pris une orientation assez particulière, comprenant, peu à peu, mais de plus en plus, que sa relation avec un peuple – qui demeurait musulman dans sa quasi totalité – lui donnait vocation à la rencontre islamo-chrétienne. Dès cette époque, par exemple, les premiers jésuites et les filles de la Charité travaillaient en milieu musulman. La fondation des Pères Blancs en 1868 et des Sœurs Blanches en 1869, donne à cette vocation une nouvelle dimension. Au début du XXème siècle, la vocation du Père de Foucauld apporte des harmoniques complémentaires qui se développeront en 1933 par la fondation des Petits Frères de Foucauld puis des Petites Sœurs en 1939. et des autres familles de la même spiritualité.
Ainsi, peu à peu, des groupes importants de personnes, d’origine musulmane, considéraient que, malgré le contexte colonial de l’époque, leur relation avec l’Église et avec les chrétiens avait une signification dans leur existence, humainement et spirituellement.
A partir de 1947, le ministère du Cardinal Duval, de Monseigneur Scotto et d’autres chrétiens courageux ont donné une nouvelle crédibilité aux chrétiens dans la société algérienne. Quand les temps plus difficiles sont venus, les participations de l’Église d’Algérie à la lutte contre la violence ont été la résistance solidaire au quotidien, le combat pour l’espérance, et le témoignage de la foi.
De plus en plus ont été établies, dans ce pays entièrement musulman, des petites cellules de vie évangélique, donnant le signe d’un service désintéressé et d’une relation fraternelle ouverts sur leur environnement.
Extrait du livre de Mgr Teissier, « Chrétiens en Algérie, Un partage d’espérance » (DDB 2002)
(1929-2020) Archevêque d’Alger de 1988 à 2008
« Beaucoup nous interrogent pour comprendre quel est le sens de notre présence dans un pays musulman. Notons d’abord qu’il ne s’agit pas surtout d’une “présence”, mais d’une “rencontre”, d’un “partage”, d’une “communication” que Dieu nous confie pour que viennent finalement la réconciliation, la reconnaissance réciproque, l’amitié et la communion. Une jeune femme musulmane, médecin, écrivait après la crise que nous avons traversé ensemble pendant la période islamiste : Je pense que c’est Dieu qui veut la présence de l’Église en notre terre d’islam…Vous êtes une bouture sur l’arbre de l’Algérie qui, si Dieu le veut, s’épanouira vers la lumière de Dieu. »
Evêque d’Oran de 1981 à 1996. Assassiné le 1er août 1996
« L’Église restera en Algérie quoi qu’il arrive. Même si les Français décidaient en conscience de rentrer, l’Église ne quitterait pas le pays. Car l’Église n’est pas française. Et moi, comme évêque d’une Église en Algérie, je reste. Nos sangs sont mêlés dans la violence. Jésus s’est posé sur ces lignes de fractures de l’humanité. Il est mort là. C’est le sens de la croix. » (Avril 1996)
Le soulèvement armé islamiste de 1991 à 2001 et sa répression par le pouvoir prennent la population dans un étau de terreur et de violence. Cette période, dite des années noires, questionne à nouveau chaque congrégation, chaque chrétien d’Algérie : quel est le sens de ma présence ici? Faut-il rester ou partir ? La communauté chrétienne diminue encore tandis que ceux qui choisissent de rester approfondissent une vocation particulière au don de sa vie.
Comme la population (entre 100 000 et 200 000 morts), l’Église est meurtrie : elle a perdu, en plus des 7 moines de Tibhirine, 12 de ses membres assassinés sur leurs lieux de vie et de travail, ayant choisi de rester en solidarité de cœur et de vie avec leurs frères algériens. Reconnus martyrs par l’Église catholique, ils ont été béatifiés ensemble le 8 décembre 2018 lors d’une une très belle et joyeuse célébration préparée par une communauté chrétienne transformée et vivante, en présence de beaucoup d’amis musulmans.
« Si l’Église a choisi de mettre en valeur ces 19 personnes, ce n’est pas pour en faire des héros. C’étaient des gens ordinaires, qui ont fait le choix d’une fidélité inconditionnelle à Dieu, au peuple et à la terre d’Algérie. C’est pour dire que même dans les périodes les plus noires, il y a toujours des signes d’espoir, il y a toujours un chemin possible de fraternité. Depuis les débuts de l’Église, des femmes et des hommes ont donné leur vie à la suite du christ, le modèle du martyr. Leur message se résume en un mot : l’amour. Seul l’amour rend capable de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Seul l’amour peut briser la spirale aliénante de la violence. C’est une bonne nouvelle pour notre monde d’aujourd’hui, au-delà de toutes les frontières. »
(Communiqué de presse des évêques d’Algérie du 27 octobre 2018)
Ci-contre: icône des 19 martyrs et de Mohammed Bouchikhi, assassiné avec Pierre Claverie le 1er aout 1996 à Oran.