© Vitrail de Taizé

« Les frères ont souvent réfléchi sur le sens de leur présence priante en terre d’Islam au milieu de ce peuple. C’est dans le mystère de la Visitation de Marie que le Père Christian de Chergé puise le sens de cette présence dans un texte inédit. »

Extrait d’une conférence donnée par le Père Abbé d’Aiguebelle, dont le monastère de Tibhirine est issu, Frère André, à Lyon, le 11 avril 2006

La visitation, épisode relaté dans le chapitre 1 de l’Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc suite à l’annonce faite à Marie par l’ange Gabriel, est la rencontre de Marie, qui porte Jésus en son sein, et de sa cousine Élisabeth, qui porte Jean en son sein.

Le fruit de cette rencontre est la joie et une immense action de grâce pour la grandeur de Dieu et le mystère de sa Présence en chacun.

« Lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. »

« Revenir sur le mystère de la Visitation. Il est tout à fait évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre. J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.

D’abord c’est le secret de Dieu. Et puis, il se passe quelque chose de semblable dans le sein d’Élisabeth. Elle aussi porte un enfant. Et ce que Marie ne sait pas trop, c’est le lien, le rapport, entre cet enfant qu’elle porte et l’enfant qu’Élisabeth porte. Et ça lui serait plus facile de s’exprimer si elle savait ce lien. Mais sur ce point précis, elle n’a pas eu de révélation, sur la dépendance mutuelle entre les deux enfants. Elle sait simplement qu’il y a un lien puisque c’est le signe qui lui a été donné : sa cousine Élisabeth. (…)

Finalement, mon Église ne me dit pas quel est le lien entre le Christ et l’Islam. Et je vais vers les musulmans sans savoir quel est ce lien.

Et quand Marie arrive, voici que c’est Élisabeth qui parle la première. Pas tout à fait exact car Marie a dit : as salam alaikum ! Que la paix soit avec vous !

Et ça c’est une chose que nous pouvons faire. Cette simple salutation a fait vibrer quelque chose, quelqu’un en Élisabeth. Et dans sa vibration, quelque chose s’est dit…qui était la bonne nouvelle, pas toute la Bonne nouvelle, mais ce qu’on pouvait en percevoir dans le moment. D’où me vient-il que l’enfant qui est en moi a tressailli ? Et vraisemblablement, l’enfant qui était en Marie a tressailli le premier. En fait, c’est entre les enfants que cela s’est passé cette affaire-là… »